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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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F – Paracha »Naso »

N° 567 Paracha »Nasso » – 7 sivan 5766 – ב »ה

RAV DOV BIGON

CECI ETANT

« MON ESPRIT QUI REPOSE SUR TOI
ET LES PAROLES QUE J’AI MISES EN TA BOUCHE »

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)

A propos de la Révélation sinaïtique il est dit : « Moïse conduisit le peuple hors du camp vers Dieu. Il se tint au pied de (mot à mot : « sous ») la montagne » (Ex. XIV, 17). Et Rachi d’expliquer ainsi la difficulté d’exégèse « au pied de (« sous ») la montagne : Dieu a arraché la montagne de sa place et l’a retourné=e sur lui comme une marmite (cf. Traité Shabbat 88 a). Par cet acte, étrange en apparence, Dieu a voulu concrétiser le fait que l’univers ne peut pas vivre sans la Thora. Si on l’avait reçue par l’exercice du libre-arbitre, on aurait dit qu’elle n’a aucun caractère d’obligation, qu’on aurait pu choisir de la refuser et que, sans elle, l’univers n’aurait pas cessé d’être. C’est pourquoi Dieu a brandi sur nous la menace de la montagne pour faire comprendre à notre peuple –qui venait à peine de sortir de l’esclavage et du matérialisme égyptien- qu’il ne pouvait justifier son droit à l’existence et à celui de l’univers que par la Thora (cf. Maharal de Prague », « Gour Arié »).

Nos Sages rapportent : s’inspirant de la Conduite divine, Ezéchias roi de Judée, revenu aux Sources juives, fit planter une épée dans chaque maison d’étude en faisant savoir que tous ceux qui n’étudieraient pas la Thora seraient tués par cette arme. Une enquête révéla que tout le peuple, « depuis Dan jusqu’à Béer-Sheva », y compris les petites filles et les petits garçons, connaissaient à fond la Loi rabbinique, même dans le domaine hautement spécialisé de la pureté et de l’impureté (Traité Sanhédrin 94 b). Le Rav Kook savait qu’Israël recouvrerait sa dignité passée grâce à un retour collectif vers ses Sources juives et que, par-là, il dévoilerait sans cesse davantage son caractère divin intrinsèque et le reconnaîtrait comme consensus (cf. « Orot Hatéchouva » 15, 11). Notre peuple reprendra pied avec sa nature première par la vulgarisation de l’Etude au niveau national par la création de « Talmudé Thora » (écoles centrées sur l’étude intensive de cette Sagesse divine), institutions qui formeront des érudits en la matière.

Ceci étant – Le processus de la renaissance nationale passe par deux stades, mentionnés allusivement par les deux « mém. » du mot « commémiyout » « double résurrection ») qui figure dans la Prière : « Conduis-nous, en (double) résurrection, vers notre Terre ».

La première – Le rassemblement des dispersés et la création de l’Etat en tant que puissance économique et militaire.

La deuxième –D’ordre spirituel, Concerne la réalisation de la promesse prophétique : « J’épancherai sur vous des eaux pures afin que vous deveniez purs de toutes vos souillures et Je vous purifierai de toutes vos abominations. Je vous donnerai un coeur nouveau et Je vous inspirerai un esprit nouveau (Ez. XXXVI, 25-26). Par « esprit nouveau », explique le Rav Kook on doit comprendre le retour de l’inspiration prophétique. Par elle s’opèrera la renaissance spirituelle de la nation (cf. « Orot Hatéchouva » 15, §5)., Cette renaissance spirituelle puisera directement ses forces dans l’Etude.

Le jour est proche où, par consensus librement agréé, notre peuple décrétera une loi rendant obligatoire l’étude de la Thora dans les écoles, patrimoine du peuple juif tout entier, à l’instar du Don de la Thora au Mont Sinaï. Alors nous verrons se réaliser la Promesse divine : « Quant à Moi, dit l’Eternel, voici quelle est mon Alliance avec eux : Mon Esprit qui repose sur toi et les paroles que J’ai mises en ta bouche ne s’écarteront plus de ta bouche, ni de celle de tes enfants ni de celle des enfants de tes enfants, désormais et à tout jamais » (Is. LIX, 21).

Joyeuse fête de Shavouot et dans l’attente de la Délivrance pleine et entière !


RAV SHLOMO AVINER

DE LA PROPENSION A SE MONTRER PLUS RIGOUREUX
QUE LA NORMALE

Au fond de moi, je ressens un étrange désir, être plus rigoureux que la normale. En fait, pourquoi disais-je « étrange ? » Les Sages n’enseignent-ils pas constamment que « la Bénédiction (divine) vient sur celui qui se montre (plus) rigoureux (que la normale) » ? Or qui la dédaignerait-il ? Mais, immédiatement, je me dis : si c’est elle que je recherche, c’est pour moi que j’agis de la sorte et non pas pour Dieu, donc je pense encore à moi !? Partant, où suis-je ? Mais, bien vite, je me ressaisis et décide en mon âme et conscience : nul doute que faire montre de rigueur est une forme plus élevée du Culte rendu à l’Eternel. Qui ne souhaiterait pas vivre à ce niveau ? Bien entendu, « être pieux », « se couper de ce bas monde », n’est pas l’apanage de tous, comme le signale l’auteur du « Sentier de Rectitude (Chapitre XIII). Est tel, celui qui, par rigueur, se refuse le superflu. Est dit « pieux » celui qui, aussi par rigueur, veille scrupuleusement à pratiquer la Législation rabbinique. Or les personnes rarissimes qui aspirent à vivre –pour ainsi dire- au voisinage de l’Eternel doivent faire preuve de rigueur. Or je souhaite être un des leurs, c’est pourquoi je me montre plus rigoureux que la normale.

C’est bien beau mais, immédiatement, une voix surgit de ma conscience et me dit : « Du calme, simple mortel. C’est par plaisir et galvaudage que tu cherches à t’élever à un niveau qui n’est pas le tien. Regarde, je t’en prie, ce qu’écrit le « Sentier de Rectitude » (ibid.) sur ce qu’on entend par « se couper de ce bas monde ».

Ce comportement, écrit le grand moraliste, comprend trois domaines.

Le premier, se couper des lois rabbiniques, entendu par-là se montrer systématiquement rigoureux là où il y a controverse. Je ne suis pas prêt à cela. Je veux bien me montrer rigoureux sur certains points, l’alimentation, par exemple, obtenir à prix égal tel produit aussi savoureux, certifié « kacher » par une autorité rabbinique plus digne de foi. Mais pour rien au monde je ne saurais opter systématiquement pour l’opinion la plus rigoureuse en cas de controverse.

Le deuxième, se couper de la société, limiter les conversations au strict nécessaire, s’isoler beaucoup et, constamment, s’occuper du Culte divin. Non, ces idéaux ne sont pas les miens. J’aime bien m’occuper aussi de choses qui m’intéressent personnellement.

Le troisième, enfin, se couper des plaisirs, ne prendre de ce bas monde que le minimum, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l’habillement, des distractions et autres choses agréables. Non, trois fois non ! J’avais à l’esprit une coupure du monde » sélective, de certains mets, par exemple, que j’aime, mais certainement pas systématiquement de tous les aliments.

A ce point de ma méditation, je me suis mis à me demander pourquoi, réellement, je faisais tout cela? Puis tombai dans la perplexité. Un chapitre du grand livre que je feuilletais, « Mishkal Ha’hassidout » – »de la Pondération dans la Piété »- mettait en garde : avant d’opter pour la rigueur, on doit s’assurer qu’on n’agit pas sous l’emprise du penchant au mal. Bien souvent, on pratique ce qu’on croit être des « mitsvot » (commandements, bonnes actions) alors qu’il s’agit de transgressions. Pauvre de moi ! Me dis-je, comme le penchant au mal est malin ! Sous couvert de mitsvot, il incite aux transgressions ! C’est donc lui qui me poussait à être plus rigoureux ?!

Je continue à lire. Disons, par exemple, que tu cours accomplir une mitsva. Du même coup, tu entre=s en conflit avec d’autres qui veulent également l’accomplir. Tu te mets à te quereller avec eux, le penchant au mal a gagné.

Ou bien encore, untel ne se conduit pas comme il faut, tu te déchaînes contre lui, mets de l’huile sur le feu, le penchant au mal a de nouveau gagné.

Un jour, les Sages de la Michna réprimandèrent sévèrement Rabbi Tarfon qui s’était montré plus rigoureux que la loi rabbinique établie (généralement, suivant l’opinion de l’Ecole de Hillel), et avait suivi l’Ecole de Shamaï (généralement plus rigoureuse). Par son comportement, il venait d’affaiblir l’Ecole de Hillel, le prestige de celle-ci et le principe qui veut qu’en général ce soit d’elle –et non pas de celle de Shamaï- qu’on établisse la Loi rabbinique.

Le Talmud de Jérusalem subordonne le désir d’être plus rigoureux que la normale au respect dû à autrui –qui risque de prendre l’expression de rigueur pour un affront personnel.

On m’a raconté qu’un jour, un rav menaça un autre rav de briser sur lui une chaise s’il refusait le plat qu’on lui proposait sous prétexte qu’il n’avait pas confiance en sa « kashrout » (permis à la consommation suivant le Judaïsme). Que l’invité s’abstienne de venir s’il ne fait pas confiance à la « kashrout » de son hôte car il n’a pas le droit de l’humilier.

Sincèrement, je dois avouer que, souvent, je fais montre de rigueur non pas pour réjouir mon Créateur mais pour donner l’impression que je suis un Juste. Certains s’enorgueillissent de leur richesse, de leur sagesse, de leur courage, de leur beauté ou encore de leur religiosité, fol orgueil, vantardise religieuse.

Qu’il est intelligent ce penchant au mal ! Il ne me dira jamais d’enfreindre un commandement, il sait trop bien que je ne l’écouterai pas. Alors il m’incite à pratiquer une « mitsva » qui n’en est pas une.

Je me suis rendu compte que, souvent, je me montrais plus rigoureux que la normale lorsque j’avais un public, et que, seul, j’éprouvais un sentiment d’orgueil. Le « Sentier de Rectitude=  » enseigne que l’orgueil est une abjection même s’il reste intériorisé.

Je me suis aussi aperçu qu’en étant ainsi rigoureux je soudoyais mon penchant au bien : pour me donner bonne conscience, j’accomplissais tel acte avec une rigueur particulière. La satisfaction qu’il me procurait me faisait oublier le mauvais acte que je venais de commettre, humilier ma femme, par exemple, et je traitais mon penchant au bien d’imbécile et de dupe.

Un jour, mon Maître me fit remarquer –illustrant ses dires d’un exemple- que, parfois même, telle « mitsva » accomplie sous la sollicitation du penchant au mal pouvait entraîner un enchaînement de causes à effets aux conséquences d’une gravité insondable.
Il m’expliquait aussi que, souvent, on affichait un zèle excessif pour dissimuler –à soi et aux autres- un acte extrêmement grave.

Voyant en moi cette propension à un zèle peut-être excessif, il m’a dévoilé qu’essentiellement, les « Maximes des Pères » traitent du « zèle ».

Ne vous y trompez pas, mon Maître était on ne peut plus rigoureux à l’égard des mitsvot, que suis-je à côté de lui ? Devant cette évidence, je me dis : « Vouloir s’élever vers Dieu et s’élever effectivement vers Lui n’est pas donné à tout le monde » (passim).

Un jour, alors que je faisais une période de réserve, il était avec moi dans le réfectoire. Là, il y avait de la viande « kacher » normale que mangeaient presque tous les soldats, et de la viande « ‘halak » (qui répond à une certaine exigence supplémentaire) que ne mangeaient que certains soldats particulièrement pieux. Mon Maître choisit de la viande « normale ». Pourquoi, lui demandais-je avec étonnement, ne prenait-il pas, par rigueur, de la viande « ‘halak » ? – – « Parce que », me répondit-il après une légère hésitation, « je me montre plus rigoureux que la normale pour tout ce qui touche à la collectivité ».