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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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F – Paracha « Lekh-Lékha » N° 638

N° 638 Paracha « Lekh-Lékha » – 8 Mar’heshvan 5768 – ב »ה

RAV SHLOMO AVINER

UN HOMME QUE L’ETAT D’ISRAEL A DECU

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)

L’état d’Israël, dites-vous à qui veut l’entendre, vous a déçu. Le phénomène n’a rien de nouveau, il s’est fait jour avec la création de l’Etat. Mais vous, ne l’avez-vous pas tout aussi déçu ?

Vous commettez l’erreur de le vouloir comme vous l’entendez et de prendre vos désirs pour des réalités. Le récit tragique suivant illustrera votre contresens.

Avant la Deuxième Guerre Mondiale, une famille juive allemande s’était soigneusement préparée à se rendre en Israël sitôt le Messie arrivé. Chacun avait méticuleusement préparé sa petite valise, comme il sied aux Juifs allemands à la minutie légendaire. Ils attendirent ainsi jour après jour, leur mallette à portée de main, et, finalement, la prirent avec eux en camps de concentration. L’un des enfants, cependant, plus avisé, s’était résolument installé en Israël.

Nous ne sommes pas contre les rêves. Pour Dieu, les possibles ne peuvent-ils pas devenir des réels ?! Relativement à l’arrivée du Messie, Maïmonide réinstaure la rationalité dans ses droits, affirmant qu’on ne comprendra ce grand événement que lorsqu’il aura eu lieu (cf. « Hilkhot Mélakhim » 12, §2). Comme on sait, l’éminent Maître a lutté contre la conception affirmant que l’imaginaire appartient au réel et que le nier revient à affirmer que Dieu a créé l’imaginaire pour nous induire en erreur (cf. « Guide des Egarés » 1, §71 ; « Shémona Pérakim » 1). Or il existe une différence d’essence entre l’imaginaire et le rationnel, celui-ci se fondant sur des structures logiques tandis que celui-là n’est qu’une projection de nos désirs. Néanmoins, le Rav Kook enseignait que l’imaginaire renferme une étincelle de vérité, du fait, mentionné ci-dessus, qu’au niveau divin elle peut accéder à l’être (cf. « Orot Hakodesh » 1, 212).

En diaspora, tous les rêves étaient permis sur l’Etat à venir. Mais dès que Dieu l’a restauré de facto, on n’a plus notre mot à dire car nos pensées ne sont pas Ses pensées ni nos voies ne sont Ses voies (d’après Is. LX, 8).

« Trois réalités se manifestent sans qu’on ne s’y attende : Le messie, un objet perdu et un scorpion » (Traité Sanhédrin 97 a), entendu par-là qu’à notre niveau elles échappent à la compréhension. En nous enseignant que l’arrivée du « Messie » –pour nous en tenir à notre présent propos- est foncièrement indéterminable, nos Sages ont voulu prévenir le risque qu’on ne la remette en question ou que, par manque de vigilance, on ne la perçoive pas lorsqu’elle aura eu lieu.

Quant à l’Etat, pour revenir à l’essentiel, personne n’a le monopole de l’aspect qu’il devrait avoir ni des modalités à employer pour qu’il se concrétise. Evitons de vouloir être à tout prix le secrétaire de l’Eternel, Il n’a pas besoin de nous pour diriger l’Histoire.

Le Rav Kook « Moussar Avikha 4, §3 rapportant le « Mip’har Hapéninim » soulignait qu’avoir des espérances irréelles est un signe de frustration permanente. Chacun voudrait que l’Etat fût comme on le souhaiterait, mais chacun a sa pensée propre, sans parler des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur qui se passent volontiers de nos conseils.

La vérité parle d’elle-même. Israël compte parmi les vingt états les plus riches, incarne la promesse du « Retour des Dispersés », l’emporte sur ses ennemis et abonde en académies religieuses et autres centres d’étude de la Thora. Assurément, il y a encore beaucoup à faire, mais « la critique est aisée et l’art est difficile », j’en sais quelque chose ! D’ailleurs, dénigrer l’Etat n’ajoute rien, au contraire. Pensait-on le recevoir tout fait sur un plateau d’argent ? – Ne l’affirmerait que celui qui vit sur la lune ou dans la salle d’étude, mais certainement pas celui qui a les pieds sur terre.

Un regard rétrospectif sur l’histoire nous apprend qu’il faut être patient. Josué n’a pas fait la conquête d’Eretz Israël d’un coup de baguette magique, loin de là et ne l’a pas même achevée. Très souvent, les non Juifs nous dominaient, les Philistins, par exemple (cf. Jug. XIV, 4), nous permettant, au mieux, un semblant d’autonomie, pendant que nous, nous nous livrions à l’idolâtrie, à des guerres fratricides et à des ignominies, celle dite de « la Concubine de la Colline » (Jug. XIX), par exemple.

Qu’on n’essaie pas de nous faire croire que nous vivons dans un horrible pays ! Qu’on regarde ce qui se passe ailleurs ! Si nous permettions la libre immigration, nous serions envahis par des millions de gens qui savent pertinemment qu’Israël est un petit paradis. 50 000 enfants meurent chaque année. Ici, ils auraient été au comble du bonheur. Au lieu de dénigrer l’armée, dites que vous la voulez meilleure encore, manière de s’exprimer qui dévoile bien plus qu’une différence sémantique. « Les Sages de la Thora ne sont jamais en repos… cherchant constamment à se dépasser » (Traité « Bérakhot » 64 a).

Loin de nous plaindre et de médire de l’Etat, parlons de lui en termes positifs et, qu’ensemble, nous oeuvrons pour le rendre meilleur encore.

(Pour plus amples renseignements sur les articles du Rav Kook à ce sujet, on pourra consulter le site Internet www.havabooks.co.il).