N° 626 – Paracha « Dévarim » – – Ména’hem av 5767 – ב »ה
RAV SHLOMO AVINER
UNE « CONTROVERSE AU NOM DE L’ETERNEL » : UN EUPHEMISME ?
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)
Dans son ouvrage, « Hayad Ha’hazaka », Maïmonide rapporte un enseignement bien surprenant : « Il est interdit de s’engager dans une controverse dite « Au nom du Ciel ! » (« Hilkhot Dé’ot » 10) Or une « maxime des Pères » (5, §17) ne loue-t-elle pas hautement la « controverse » entre Hillel et Shamaï, « Au Nom du Ciel », par opposition à celle de « Kora’h et de sa faction » qui, elle, ne l’était pas ?! » Et le grand Maître d’expliquer que, systématiquement, on prétend soutenir sa position contre celle d’autrui « Au Nom du Ciel », et que personne n’a jamais dit que ce n’était pas la recherche de la vérité qui l’animait ! On ne ment pas seulement aux autres, on se ment aussi à soi-même lorsqu’on prétend être prêt à reconnaître la vérité, attitude prise, dit-on, « Au Nom du Ciel. » En réalité, inconsciemment, on est partie prenante.
Kora’h, grand sage, avait l’intuition prophétique ; dès lors, comment a-t-il pu s’engager dans une controverse aussi dégradante contre Moïse et Aaron, éminemment saints ? Nulle doute qu’il ne recherchait pas les honneurs.
Dans son ouvrage (op. cit.), Maïmonide explique qu’il était dupe de lui-même. Certes, il affirmait que « Tous les membres de la communauté sont saints, (que) Dieu les habite, (et que, par conséquent) pourquoi vous érigez-vous au-dessus de la congrégation de Dieu ? » (Nom. XVI, 3), mais, en réalité, il était animé par la cupidité, pulsion trop faible pour qu’il en eût conscience mais qui, pourtant, lui avait fait confondre le bien et le mal. Moïse, lui, le savait ; c’est pourquoi il lui répondit : « Ecoutez [ce que j’ai à vous dire], fils de Lévi. N’est-ce pas assez que le Dieu d’Israël vous ait séparés de la communauté d’Israël ? Il vous a rapprochés de Lui, vous a autorisés à servir dans le Tabernacle de Dieu et à devenir dirigeants de la communauté ? Il t’a donné ce privilège, à toi et à tous les autres Lévites, et vous réclamez encore la prêtrise ?! » (Nom. XVI, 7-10) Moïse acceptait l’affirmation de Kora’h –la Sainteté divine habite le peuple d’Israël- mais il lui objecta que si, sincèrement, il prenait à cœur la spécificité du peuple juif et qu’il la mettait au-dessus de tout, pourquoi ne s’était-il pas manifesté lorsque lui et les autres Lévites avaient reçu de Dieu un statut privilégié ? Sous couvert de grands idéaux, il agissait au nom de motivations personnelles et était devenu hermétique à tout effort de communication. De là on apprend qu’on doit réfléchir à deux fois avant de s’engager dans une controverse « désintéressée » pour s’assurer qu’elle le soit véritablement.
Un membre de la « Knesset » » –c’est une boutade- ne voulait rien entendre pour quitter sa chaise. Il s’y accrochait, disait-il, « Au nom du Ciel ». – « Je n’en doute pas, lui fit-on remarquer. D’ailleurs n’est-il pas dit : « Le ciel est Ma Chaise (Is. LXVI, 1) ?! »
« L’étonnement » du début de notre propos réapparaît donc : comment nos Sages pouvaient-ils dire de la controverse entre Hillel et Shamaï qu’elle était « au Nom du Ciel ?! » – Comme ils s’aimaient d’une amitié authentique, ils n’étaient pas en état de confrontation mais visaient uniquement la vérité.
Dans le même esprit, Rabbi Yonathan Eivshitz expliquait (« Ya’arot Dévash ») que l’amitié est le garant du caractère désintéressé d’une controverse. Celle-ci doit être une confrontation d’idées et non pas de personnes. Quoi qu’il en soit, mieux vaut la fuir comme la peste et aspirer à l’harmonie entre les hommes.
Shiur Video
Rabbi Feuillet hebdomadaire
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