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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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F – « Paracha « Bémidbar »

N° 617 « Paracha « Bémidbar » – 2 sivan 5767 – ב »ה

RAV SHLOMO AVINER

IL ESPERAIT LA JUSTICE … ET C’EST LE MAL QU’IL A RECU

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)

Questions – Ces dernières années, les tribunaux rendent des verdicts tronqués. Comment doit-on se comporter à leur égard et à l’égard de ces institutions ?

Réponse – Ce problème particulier a pour origine un problème général, le fait qu’en Israël la justice ne soit pas d’inspiration juive. « Il espérait la justice … et c’est le mal (« nispa’h ») qu’il a reçu (Isaïe V, 7), mot à rapprocher de « mispa’hat » maladie de peau (cf. Lev. XIII, 2 et exégètes), bizarrerie, « excroissance » (en hébreu, mot de la même famille) qui se développe sur le corps.

Chaque nation a sa législation particulière. Rome, le droit romain ; la France, le droit napoléonien etc.; et les juifs, le droit juif. Les tribunaux israéliens se fondent sur des lois étrangères, pur blasphème et honte nationale, ce que déplorait notre maître, le Rav Tzvi Yéhouda Kook. En Israël, expliquait-il, il y a des réalités bien dures à supporter, le système scolaire et l’appareil judiciaire, en particulier, qui se réfère au droit romain, ottoman et anglais, et qui délaisse le droit juif authentique que le « ‘Hoshen Mishpat » (partie du « Choul’hane ‘Aroukh ») a fixé, et on ne nomme pas de juges qui s’appuient sur notre loi (cf. « Lintivot Israël » 2, §1, 160).

Des lois imaginées de toute pièce auraient-elles plus de poids que ce tout que forme la Thora, d’essence divine et qui s’est épanouie dans notre peuple durant des millénaires ?!

Maïmonide statuait : « Celui qui rend la justice à la manière des non juifs ou qui se rend auprès de leurs instances judiciaires pour être jugé, même si elles rendent la justice comme la loi juive, celui-là est dit « pervers » et se comporte comme s’il insultait et foulait au pied la Thora de notre Maître Moïse, comme il est dit : « Voici les lois que tu devras exposer devant les Israélites (Ex. XXI, 1) – Devant eux et non pas devant les non juifs » (« Hilkhot Sanhédrin » 26, §7), ces lois-là, précisément, et non pas des lois erronées fruit de l’imagination des non juifs ou que les juifs ont apprises d’eux même si, répétons-le, telles lois judiciaires non juives pouvaient être les mêmes que les nôtres, car le verdict diffère néanmoins. Partant, l’un des plaignants recevra plus ou moins que ce que lui aurait donné ou retiré un tribunal authentiquement juif, enfreignant ainsi l’interdiction de voler son prochain.

En apparence, cette affirmation renferme un paradoxe (puisque la manière de juger peut être la même). Et le Rav Kook d’expliquer en substance qu’il existe une différence d’essence dans la motivation qui pousse à rendre la justice et la philosophie de celle-ci. Pour la culture ambiante, l’essentiel c’est le « moi », la séparation radicale de moi à l’autre, le caractère inaliénable de ce qui est à moi, et autres conceptions foncièrement individualistes de ce genre qui « puisent aux sources du mal » (Arpilé Tohar » 43). « L’homme est un loup pour l’homme », disait Hobbes, c’est un fait, combat de l’individu contre le collectif, et la « justice » n’est autre qu’un système de concessions et d’exigences dont bénéficie finalement le particulier, conception qui s’inspire de l’Ecole de pensée anglaise empiriste et opportuniste fondée par le philosophe précédemment cité et que Rousseau, entre autres, a reprise.

Quant à l’autre motivation de rendre la justice, « elle a pour origine la prise de conscience qu’il est interdit de bafouer cette valeur, et que si on passe outre à l’interdiction, on doit subir des souffrances afin de renforcer la prise de conscience en question », justice qui puise à « la Pureté Divine », « et tous les jugements d’émanation divine sont totalement exempts de mal car ils proviennent de la Source, bonne, de la vérité et de la rectitude comme telles. L’égoïsme grossier qui fonde la société politique de l’humanité puise à l’origine du mal ; la structure judiciaire … a pour origine la mesquinerie à l’égard de l’autre, et elle est incapable de purifier les scories de l’esprit. »

La manière « juive » de rendre la justice vise à intensifier la Lumière Divine qui impose de fonder la manière de juger sur sa Source (authentique), bonne » (« Arpilé Tohar », op. cit.).

Bien entendu, après la création de l’Etat, il était impossible de fermer tous les tribunaux qui jugent d’après les lois non juives ; sinon le pays aurait sombré dans le chaos et le vol. Il faudra beaucoup de temps avant que les juges ne se familiarisent avec le savoir contenu dans le « ‘Hoshen Mishpat ». C’est pourquoi le Rav Tzvi Yéhouda prescrivait de promouvoir une loi comme quoi la « Knesset » (parlement israélien) reconnaissait la législation judiciaire de la Thora et souhaitait que celle-ci devienne le droit en vigueur dans notre pays. Mais jusqu’à ce qu’on puisse formuler cette législation de manière à ce q’elle soit comprise par tous, on doit prescrire des lois et des décrets temporaires.

Hélas, on n’a pas encore adopté cette position. Elle fait aussi partie du processus de la Délivrance, « progressive » (Sources, passim), avec sa lumière et ses ténèbres, matérielles et spirituelles. Durant notre longue histoire, nous avons surmonté des problèmes plus difficiles. Nous surmonterons également celui-là mais, pour ce faire, il faut de la patience et de la foi.