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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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F – Paracha « Vaïgash »

N° 597 Paracha « Vaïgash » – 11 tévet 5767 – ב »ה

RAV SHLOMO AVINER

UNE CORVEE !

Question – La prière me tue ! Si longue et si ennuyeuse ! Des mots qui ne me disent rien ! « Sacrifices perpétuels », « lavabo », « préparation de l’encens », « où se font… (différents sacrifices) », passages des Psaumes etc. ! (Début de la Prière du Matin). A quoi bon faire répéter par l’officiant la « Amida » (prière principale dite debout) alors que je l’ai déjà dite ? Sans parler des interminables « Ta’hanounim » (suppliques pour la reconstruction du Temple et le retour à l’ordre biblique) dits le lundi et le jeudi, ouf, ça pèse ! Et la lecture de la Thora à la synagogue, pure perte de temps ! Celle du « Targoum » (lecture de la Section Hebdomadaire verset par verset, deux fois en Hébreu, une fois en Araméen) dépasse toute les limites ! Quant aux heures de la prière, on aurait pu trouver mieux. Après celle de « Min’ha », je suis bloqué à la synagogue jusqu’à celle « d’Arvit » ; deux fois, à quelques minutes d’intervalle, je refais la « Amida » ! Et moi, je me languis de ma famille. Pourquoi ne puisse-je pas prier comme bon me semble et quand j’en éprouve le besoin et donc du plus profond de mon être ? Et tant d’autres exemples ! Au «  »Birkat Hamazon » (« Actions de Grâces », dites après le repas), au lieu de remercier l’Eternel pour la joie d’avoir mangé, je me perds dans un dédale de bénédictions qui me coupe jusqu’à l’envie de prendre du pain. Quant aux lois rabbiniques sur Shabbat j’en perds mon Latin et j’en deviens malade rien qu’en étudiant celles qui concernent le tri ou les nœuds qu’on peut faire ou de défaire. Excusez-moi de me plaindre mais on a jugulé en moi l’enthousiasme naturel et spontané que j’avais pour mon Créateur.

Réponse – Vous posez une question de principe, quel est le but de l’existence ici-bas ? Dans son « Séfer Hagan » (Le Livre du Paradis »), Rabbi Its’hac Bar Eliézer, sage ashkénaze qui vivait il y a un peu plus de deux siècles et demie, donne la réponse : « Etre au service de l’Eternel en plein accord avec soi-même, comme le répète si souvent la Thora » (« Yom Rishon »). Ce bas-monde n’est pas un endroit de plaisance mais le lieu d’effectuation du Service Divin. Par ce titre, l’auteur entendait par-là « qu’on y accède (au paradis) que par l’étude de la sagesse inhérente à la Crainte de l’Eternel et qu’on n’y est pas encore arrivé ».

Notre sort est bien enviable, nous qui nous occupons du Culte Divin et non de futilités. Aussi, « habituons-nous à faire montre de la plus grande humilité… Ainsi, on accèdera à la soumission » (op. cit.). Qui, mieux que le roi David, incarne ces valeurs ? « Moi, je suis un vermisseau et non un homme (Ps. XXII, 7), disait-il de lui-même. On pratique le Culte de l’Eternel avec zèle et non avec paresse.

« La conclusion de toute chose, écoutons-là : « Crains Dieu et observe Ses commandements car c’est là tout l’homme » (Ec. XII, 13), principe fondamental et résultat de la méditation du roi Salomon, « le plus sage de tous les hommes ».

Votre quête de la joie et de la sérénité dans le Culte de l’Eternel exprime une vérité de la plus haute importance, mais on doit être humble, comprendre qu’on n’a pas encore atteint la finalité et que la route est encore longue. Dans le « sentier de Rectitude », Rabbi ‘Haïm Luzzato n’évoque la douceur de ce culte qu’au chapitre XIX. Alors, seulement, commence à s’exhaler une odeur de Paradis. N’en déduisons pas à tort qu’on doit être plongé dans la tristesse, au contraire. « On accomplit le Culte de l’Eternel dans toute sa plénitude lorsqu’on pratique les « mitsvot » (commandements, bonnes actions) qu’Il nous a prescrites, en L’aimant » (Maïmonide, « Hilkhot Souka Véloulav » fin), tâche difficile mais aussi source de joie ; ou, pour citer le « Maguide Michné » : « Essentiellement, on ne doit pas accomplir les commandements par corvée mais avec joie ; on choisira le Bien et la Vérité parce qu’ils sont tels ; on verra dans ces valeurs une tâche facile à accomplir, comprenant qu’on a été créé pour servir Son Créateur ; dès lors, faisant ce pourquoi on a été créé, on s’emplira de joie et d’allégresse ». Bien entendu, cela dépend d’une condition préalable, croire en l’Eternel et L’aimer. « Combien j’aime Ta Loi ! » (Ps. CXIX, 97), combien j’aime Tes commandements ! Même si cela est difficile, comme tout ce qui est grand, et qui ne s’acquiert qu’avec beaucoup de volonté et d’efforts. Lorsqu’on le veut intensément, on est prêt et joyeux de déployer tous les efforts. Etudier la Thora, s’installer en Israël, se marier, s’occuper de ses enfants etc. ne s’effectuent qu’avec des efforts et un désir ardent. Plus on aime l’Eternel, plus on aime Ses commandements ; ou, pour citer de tête un poème de Rabbi Yéhouda Halévi, me délier de Toi m’est difficile car j’aime le fruit de Ta religion.

Pour illustrer l’importance de la volonté et de la détermination dans l’exercice du Culte Divin, Rabbi ‘Haïm Luzzato utilise la parabole d’un stratège qui, « pour montrer sa vaillance après la victoire, choisissait toujours de faire les guerres les plus difficiles » (« Sentier de Rectitude », XIX).