N° 649 « Paracha « Vaéra » – 27 tévet 5768 – ב »ה
RAV DOV BIGON
CECI ETANT
« JE VOUS CONDUIRAI AU PAYS »
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)
Lorsque, sur ordre de Dieu, Moïse exige de Pharaon la libération du peuple d’Israël, il obtient le résultat inverse, le potentat d’Egypte alourdit l’esclavage davantage encore. Par détresse et par douleur, le grand prophète se permet la question : « Ô Eternel, pourquoi maltraites-Tu ce peuple ? Pourquoi m’as-Tu envoyé » (Ex. V, 22) » ? Et l’Eternel de clore avec dureté le dialogue : « Dieu (« Elohim », en tant que se dévoilant sous la Modalité de l’Intransigeance) parla à Moïse (en lui disant) : « C’est Moi l’Eternel » (ibid. VI, 2). Et Rashi d’expliquer qu’Il reprochait à Moïse d’avoir posé cette question au lieu de prendre exemple des Patriarches, héros de la foi, auxquels Il avait promis la terre de Canaan, qui n’avaient rien vu de la promesse et qui, pourtant, n’avaient pas remis en doute la Parole divine (cf. « Kouzari » 2 §2). Moïse voulait fuir sa mission, réconforter le peuple et lui redonner espoir en lui annonçant, sous quatre formes différentes, que le temps de la Délivrance était venu (cf. ibid. VI, 6-7). Lorsque le grand prophète accepta de lui transmettre le message, « Le peuple ne voulait plus l’écouter, à cause de sa déception et de sa dure servitude » (ibid. ibid. 9).
En revanche, durant des millénaires, il puisera dans ce message la force d’affronter ses malheurs comme il le témoigne chaque année à « Pessa’h » par la lecture du passage de la « Hagada » qui le perpétue et en y joignant cet autre acte de foi : « L’an prochain à Jérusalem reconstruite » !
Ceci étant – A notre génération, celle de la renaissance nationale et du retour des dispersés, les problèmes ne manquent pas non plus, donnant parfois à penser qu’on s’éloigne de la Délivrance, étant donné la crise spirituelle et morale qui touche nos dirigeants et une partie du public, crise qui affaiblit l’Etat dans tous les domaines, avec les sinistres conséquences si souvent déplorées ici et, en particulier, le danger de créer en Eretz Israël un nouvel état hostile. Mais, répétons-le, nos ancêtres en Egypte n’étaient plus en mesure de croire à la Délivrance alors qu’elle était sur le point de s’accomplir.
Aussi, gardons-nous de reprendre à notre compte la question de Moïse, suite aux événements qu’il vivait et faisons preuve de patience, de foi et d’endurance, surtout lorsque nous assistons à la mise en pratique de la promesse divine : « Je vous conduirai au pays à propos duquel J’ai élevé la main, [jurant] de le donner à Abraham, Isaac et Jacob. Je vous le donnerai en héritage, Je suis l’Eternel » (ibid. VI, 8) car « L’Eternel ne délaissera pas Son peuple ; Son héritage, Il ne l’abandonnera pas » (Ps. XCIV, 14).
Dans l’attente de la Délivrance pleine et entière.
RAV SHLOMO AVINER
Directeur de la « Yéshiva » « Atéret Yéroushalaïm »
LE SILENCE N’EST PAS UN AVEU
Cher lecteur, je vous conseille vivement de ne pas répondre aux mensonges et aux propos malveillants même si, d’après la loi rabbinique proprement dite, vous êtes autorisé à le faire.
Lorsqu’on est physiquement agressé, on doit se défendre, c’est évident. En revanche, explique l’auteur du « Séfer Ha’hinoukh », si on est assailli de mensonges et de calomnies de tous genres, on doit rester impassible pour ne pas transgresser l’interdiction de « faire rougir son prochain en public » (cf. Commandement 338). Aussi, je vous invite instamment à être de ceux « qui sont offensés et qui n’offensent pas, qui écoutent leur honte sans y répondre… C’est d’eux qu’il est dit : « Tes amis (ceux de l’Eternel) rayonneront comme le soleil dans sa gloire » (Shabbat 88 b sur Jug. V, 31). On ne saurait répondre, mieux vaut se taire plutôt que d’allumer le feu de la controverse. Certains expliquent ainsi les redondances de l’enseignement ci-dessus rapporté (suivant la loi d’exégèse : tout ajout est matière à enseignement) : « leur honte se rapporte à ceux qui offensent ; entendu par-là : ceux qui sont offensé entendent la honte de ceux qui offensent. En d’autres termes, ceux qui sont offensés gardent pour eux les défauts qu’ils ont décelés chez ceux qui les ont offensés et se gardent de leur rendre coup pour coup (« Kitsour » du « Shla »). C’est pourquoi – et je répète mon conseil- ménagez l’honneur dû à l’Eternel.
Un jour se tenait un congrès pour renforcer la religiosité à Jérusalem. Parmi les présents se trouvait l’éminent Rabbin Zéra’h Bravermann, président de la « Yéshiva de Méa Shé’arim ». L’un des assistants se mit à proférer contre lui des insultes et des sarcasmes à n’en plus finir. Impassible et, à l’écart, le grand Maître gardait le silence. Celui qui récriminait, pensait-on, avait certainement raison puisque, par son silence, le rabbin semblait lui donner raison. Lorsque la réunion fut terminée, on lui fit remarquer qu’en laissant bafouer son honneur, c’est l’honneur de la Thora qui l’était aussi et qu’il aurait dû se disculper. – S’il avait dit la vérité, expliqua-t-il, il aurait dévoilé l’identité véritable du coupable et l’aurait alors humilié. Or nos Sages n’ont-ils pas enseigné que « Mieux vaut se jeter dans une fournaise que de faire rougir son prochain en public ?! » (Traité « Bérakhot » 43 b ; d’après Rav Stern, « Guédolé Hadorot », page 97).
Dans sa jeunesse, Rabbi ‘Haïm ‘Hizkiahou Médini, plus tard grand Rabbin de ‘Hébron, auteur du « Sdé ‘Hémed », étudiait dans un « kolel » (cadre où les hommes mariés se vouent uniquement à l’étude de la Thora) à Boukhara. Assidu dans l’Etude, il venait le premier, tôt le matin, et repartait le dernier, tard le soir. C’est pourquoi celui qui patronnait ce « kolel » l’appréciait particulièrement. Par jalousie, un autre « avrekh » trama une intrigue contre lui. Il soudoya la femme chargée du nettoyage qui, elle aussi, venait de bonne heure pour faire semblant que « l’avrekh » –hors du commun- avait voulu abuser d’elle. Un tumulte s’ensuivit qu’attisait celui qui avait imaginé le stratagème. Lorsque le riche arriva, il fut assailli de toute part., Il devait renvoyer du « kolel » un homme si corrompu ! Avisé et les pieds bien sur terre, il ordonna le silence et demanda à tous de rentrer dans la salle d’étude où le brouhaha continuait toujours. Impassible, le « Sdé ‘Hémed » chantonnait tout en étudiant. Durant une demi heure, le bienfaiteur du « kolel » l’observait. Enfin, frappant sur la table, il déclara : « Cet homme est saint. Celui qui dit un mot contre lui sera expulsé du « kolel » ! Et démit la femme de ses fonctions. On se tut car l’ordre venait d’un homme juste et sage ; néanmoins, le doute planait encore car « Il n’y a pas de fumée sans feu ».
Après quelques temps, la femme vint s’excuser auprès du « Sdé ‘Hémed ». Elle n’avait plus d’argent, expliquait-elle, et sans moyen de subsistance. C’est pourquoi elle voulait tout avouer en public. Il se réjouit de ce que la vérité allait éclater au grand jour mais, après réflexion, il se ressaisit. « Moi, se disait-il, j’y gagnerai, mais Dieu y perdra. Je serai réhabilité mais au prix d’un horrible blasphème. Pour un « avrekh », se comporter de la sorte est une chose grave ; mais qu’un « avrekh » soit capable d’une telle fourberie est un blasphème infiniment plus grave. » C’est pourquoi il lui demanda de ne rien dire et veillera personnellement à se qu’elle retrouve son emploi, ce qui fut fait. Quant à l’intrigant il mourut peu après, emportant avec lui son secret. Alors l’auteur du « Sdé ‘Hémed » sentit que, soudain, il venait de recevoir la Thora. En fait, on ne peut pas croire qu’une seule personne ait eu le temps de rédiger un ouvrage de cette envergure. Il avait eu ce privilège parce qu’il avait accepté de se laisser humilier pour faire passer l’honneur dû à l’Eternel avant le sien (Rav Shalom Mordékhaï Shwadron, « Shaal avikhavéyaguédékha » I 257 ; Rav Stern, « Guédolé Hadorot » page 870).
N’y a-t-il pas meilleur exemple que Maïmonide ? Un jour, l’un de ses disciples lui écrivit pour l’informer que, dans sa ville, un homme le calomnier pour avoir rédigé le « Mishné Thora ». En réponse (« Iguérot Harambam », Ed. Rav Shilat page 417), le grand Maître lui expliqua en substance qu’il ne devait pas prendre cela à cœur. Celui qui le décriait ne voulait que s’enorgueillir sur son compte et que, de ce fait, il avait perdu tout sens commun. Il n’agissait que par bêtise, il fallait l’excuser. Il cherchait à attirer sur lui l’attention, faisant passer ce monde-ci avant le monde futur. Bien plus, « Tu (le disciple en question) attire inutilement sur toi querelles et malheurs. D’ailleurs, nous nous dispensons de toute aide émanant de l’homme et laissons chacun libre de faire ce que bon lui semble » (ibid.).
Shiur Video
Rabbi Feuillet hebdomadaire
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