Shiur Video

Rabbi Feuillet hebdomadaire
https://vimeo.com/NULL

F – Paracha « Béhar-Bé’houkotaï »

N° 616 Paracha « Béhar-Bé’houkotaï » – 24 yar 5767 ב »ה

RAV SHLOMO AVINER

POURQUOI, PERVERS, BATS-TU TA FEMME ?

(Traduit par Maïmon Retbi)

A propos des « femmes battues », on ne peut même plus parler de « phénomène » mais, hélas, de « norme » qui affecte toutes les classes de la société, religieux ou non, Juifs et non Juifs. C’est pourquoi nos Sages se sont insurgés contre cet état de fait, le premier étant le « Maharan » de Rothenburg. Dans ses annotations au « Choul’hane ‘Aroukh », le « Rama » a érigé en loi rabbinique les propos du grand Maître. Il explique en substance : l’interdiction de « frapper son prochain » vaut également pour son épouse. S’il est coutumier du fait, le tribunal peut l’obliger à l’empêcher par tous les moyens qu’il estime nécessaires et même, suivant certains décisionnaires, l’obliger à divorcer s’il persévère, après avoir été averti une ou deux fois. Car, ajoute-t-il, les non Juifs –et non pas les Juifs- se comportent ainsi (cf. annotation du « Rama » sur Ev. H. 154, 3).

Et l’auteur du « Béer Hagola » (ad loc.) d’ajouter : celui qui bat sa femme s’expose à un châtiment bien plus grave que celui qui bat son prochain car l’obligation « d’honorer » ne s’applique pas à celui-ci mais à son épouse, et ce plus encore qu’à l’égard de son propre corps, et que « la femme s’élève avec lui mais ne retombe pas avec lui » (Sources, passim ; s’il s’est appauvri, par exemple, il devra néanmoins tout faire pour subvenir aux besoins de sa femme comme du temps de sa prospérité passée). S’il a une épouse, c’est pour la rendre heureuse et non pas pour l’attrister, d’autant plus qu’elle lui fait pleinement confiance et « qu’elle pleure facilement » (Sources, passim ; et donc, sans le vouloir, risque de déclancher la colère divine contre son mari).

Fait étonnant en apparence, Maïmonide n’a pas statué sur ce point. En réalité, le grand législateur ne traitait généralement que de lois déjà énoncées dans le Talmud. Or non seulement le Talmud interdit au mari de battre et d’humilier son épouse mais encore lui prescrit de l’aimer et de la respecter, exigences que le grand législateur a érigées en loi. « Nos Sages ont ordonné de respecter son épouse plus que son (propre) corps et de l’aimer comme lui. S’il est riche, il doit la combler suivant ses moyens. Il ne lui inspirera pas de crainte excessive, lui parlera posément et ne sera ni triste ni coléreux (« Hilkhot Ishout », 15, §19). Rappelons l’enseignement du « Choul’hane ‘Aroukh » ci-dessus mentionné, que si l’épouse est maltraitée elle peut demander le divorce. Comme le donne à penser le « gaon de Vilna » (ad loc.), son époux transgresse le commandement restrictif de ne pas frapper son prochain, loi à laquelle les tribunaux rabbiniques se réfèrent constamment dans leurs verdicts (cf. « Piské din Rabbaniïm » passim).

Certains pervers utilisent à leurs fins la suite de l’annotation ci-dessus mentionnée qui rapporte deux opinions.

1. Il peut la battre si, sans raison, elle l’a insulté, lui ou ses parents.

2. Il n’en a pas le droit même si elle est méchante ; essentiellement, la première opinion est celle qu’on doit prendre en considération ».

Dès lors, pour le mari, quoi de plus simple que de prétendre que sa femme est « méchante » et qu’il a les mains pures ?! – Le tribunal doit minutieusement vérifier l’authenticité de ses dires « et si, poursuit le « Rama » dans son annotation, il est impossible de déterminer le responsable, on ne fera pas confiance au mari qui prétend qu’elle a commencé car les femmes (juives) sont considérées comme « késhérot » (qui se comportent suivant les normes de la Thora), et s’il s’avère qu’il a dit la vérité, il devra divorcer sans lui donner le « guèt » (sans honorer les engagements financiers qu’il avait consignés dans l’acte de mariage) ; d’après annotation op. cit. ; cf. également Ch. ‘A. Ev. H. 115, §4). Mais, répétons-le, elle l’a peut-être insulté parce qu’il l’avait poussée à bout ou qu’il passait son temps à la battre ou à lui faire du mal ; elle avait « ses raisons » et, comme l’enseignent nos Sages, « on ne prend pas une personne en défaut lorsqu’elle est en état de détresse » (ibid. §14).

Les décisionnaires admettent que, dans certains cas paroxysmaux, le mari pourrait (avec toute la force du conditionnel) en venir aux mains ; lorsque, par exemple, son épouse exprime ouvertement devant son petit-fils le vœu qu’un lion dévore son grand-père sans que son mari ne parvienne à la faire taire (d’après Traité « Kétouvot » 72 b). On pourrait citer d’autres décisionnaires qui insistent sur l’importance de vérifier soigneusement l’argumentation du mari car, a priori, ils considèrent les femmes juives comme n’agissant pas « sans raison ».

Suivant la stricte observance de la législation rabbinique, celui qui a été blessé peut rendre les coups pour sauver sa vie (Responsa ‘Ho. M. 701, §13), et même répondre spontanément comme il est dit : « Enflammé par sa colère, il pourrait bien… (tuer sans l’avoir voulu) car « on ne peut pas toujours rester indifférent » (« Rama » ci-dessus cité, sur Deut. XIX, 6), tolérance relative à notre propos, apprise de ce verset par un raisonnement « d’a fortiori » ; (« Séfer Ha’hinoukh », « Mitsva » 338), c’est un fait.

Quant à nous, nous conseillons vivement à la femme battue de porter plainte auprès de la police, non seulement pour son bonheur et celui de ses enfants –afin qu’ils puissent s’épanouir dans une famille normale- mais aussi pour le bonheur de son mari, pour qu’il fasse « téchouva » (se repente) car, même inspirée par la crainte, la « téchouva » est encore appelée telle.