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Rabbi Feuillet hebdomadaire
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F – Paracha « Emor »

N° 615 Paracha « Emor » – 17 yar 5767 – ב »ה

RAV SHLOMO AVINER

L’ANNEE DE JACHERE

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)

Question – La « septième année », l’année de jachère, s’approche. Le temps ne serait-il pas venu d’annuler le « héter mékhira » (vente aux non Juifs de toute la terre d’Israël durant l’année de jachère pour permettre à l’agriculteur de continuer à la cultiver malgré l’interdiction de la jachère) ? Il soulève bien des problèmes et il faut beaucoup d’héroïsme pour acheter des produits provenant de la jachère, « héros puissants » (Ps. CIII, 20) pour emprunter l’expression à nos Sages. D’ailleurs, dans notre pays, l’agriculture n’est pas si importante et il n’arrivera rien si on s’abstient de la cultiver durant un an et il existe d’autres sources d’approvisionnement.

Réponse –

a) Pour qui l’agriculture n’est-elle pas importante ? Pour le consommateur ou pour l’agriculteur ? Vous lui enlevez sa source de subsistance non seulement pour l’année à venir mais aussi pour toujours car les cultivateurs non Juifs s’empareront du marché. On procède à la vente du ‘hamets », infraction –pourrait-on dire- à la Thora pour les produits contenant du levain et on ne trouve rien à redire ! Ne l’accepterait-on pas d’autant plus pour le « héter mékhira » ? Chacun est libre de décider comme il l’entend. Quoi qu’il en soit, d’après la loi, Seul le Grand Rabbinat d’Israël est habilité à « vendre » une partie d’Eretz Israël.

b) De toutes les manières, les agriculteurs qui ne pratiquent pas les commandements ne respecteront pas non plus celui-là. Or on doit tout faire pour les empêcher de commettre cette transgression (puisque, durant cette année, par la procédure du « héter mékhira », ils sont considérés comme « gérants » et non pas comme « propriétaires terriens »). Mieux vaut suivre une loi rabbinique problématique que d’enfreindre à coup sûr un commandement de la Thora.

c) En ce qui concerne le « héter » en question rappelons qu’il n’a pas été institué par notre Maître, le Rav Kook mais qu’il était déjà en vigueur bien avant lui, depuis 5649 (1889), si ce n’est plus tôt. En 5670 (1910) le Rav Kook n’a fait que l’institutionnaliser par une solide argumentation. De grâce, gardez-vous de vouloir tourner en dérision les grands décisionnaires des générations passées.

d) Quant à nos frères, les agriculteurs –qui ne pratiquent pas encore tous les commandements- ils ne pourraient plus commercialiser leurs produits en tout lieu car ceux-ci auraient le statut de « séfi’him », c’est-à-dire de produits laissés à la discrétion de tous qu’on ne peut pas commercialiser durant cette année-là. Ainsi, ils ne seraient achetés que par des hôtels et des restaurants non respectueux de la Thora qui perdraient aussitôt le label de « kashrout » (conforme aux prescriptions de la Thora), avec toutes les implications économiques qui s’ensuivraient.

e) « L’agriculture n’est pas si importante… Il existe d’autres sources d’approvisionnement, prétendez vous ? » – Argument fallacieux et même dangereux. Désormais, l’Etat serait totalement dépendant de l’importation des produits agricoles et donc à la merci d’un boycott. Le pays capitaliste par excellence, les Etats-Unis, soutient son agriculture de diverses manières.

f) Quant aux « héros puissants qui exécutent Ses ordres » que vous mentionnez dans votre question, nos Sages appliquent ce qualificatif aux agriculteurs qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas travailler leur terre durant la 7ème année, et non pas pour le consommateur qui achète des produits en provenance de non Juifs. Or ce dernier a le choix entre les possibilités suivantes, classées d’après leur ordre préférentiel.

1. Produits surgelés qui ont été récoltés durant la 6ème année (du cycle de la jachère).

2. Produits qui ont poussé hors du sol, grâce à des techniques agricoles particulières. Ceux qui les utilisent méritent, eux aussi, le titre de « héros puissants ».

3. Produits agricoles semés durant la 6ème année et distribués durant la 7ème par l’institution dite du « otsar beth din » (instance rabbinique ad hoc) ; ils sont soumis à la « sainteté de la 7ème année ». Comme on sait, on accomplit une « mitsva » (commandement, bonne action) en les consommant, et une autre en étant solidaire de ces « héros puissants ».

4. Essentiellement, le « héter mékhira » a été conçu à l’intention de ceux qui veillent tout spécialement à pratiquer la Thora en accord avec la législation rabbinique et à l’intention de nos frères qui ne pratiquent pas encore tous les commandements ni les lois rabbinique. Grâce à cette procédure, ils peuvent commercialiser leurs produits, désormais permis à la consommation. Ces présentes considérations valent a fortiori pour les régions pour lesquelles il y a doute quant à leur appartenance à Eretz Israël définie par la Thora écrite proprement dite et donc pour l’obligation ou la non obligation de respecter la jachère, le sud de la ‘Arava, par exemple.

5. De toute évidence, on ne saurait encourager la consommation de produits en provenance de non Juifs de l’extérieur du pays, des Arabes qui vivent ici et, encore moins, des terroristes, quelle que soit l’apparence qu’ils empruntent, les assassins de la bande de Gaza, par exemple.

D’aucuns objecteront que, durant les années normales, on achète bien des produits agricoles en provenance de non Juifs sous prétexte, par exemple, qu’ils sont les seuls à les cultiver, concombres, courgettes etc. ? – Nous ne voulons intervenir en rien, leur répondra-t-on simplement, dans les décisions individuelles même si l’on doit en souffrir. Mais qu’il ne soit pas dit que la Thora ou la législation rabbinique prescrivent d’acheter des produits agricoles en provenance de non Juifs, bien au contraire, « Que ton frère vive avec toi » (Lev. XXV, 35).

Notre Maître, le Rav Kook, s’insurgeait contre les « abjections » commises à l’encontre des communautés agricoles. Jusque là, on faisait tout, expliquait-il pour éviter d’acheter des produits en provenance des non Juifs pour ne pas accroître davantage encore le désarroi de nos agriculteurs qui vivent de la vente du raisin. Or, constatait-il, malgré le « héter mékhira » en faveur, d’abord et avant tout, de nos frères, exploitants agricoles, d’aucuns essaient « clandestinement » de convaincre d’acheter ces produits précisément chez les non Juifs, prêtant main-forte à ceux qui nous persécutent et se faisant leurs complices contre nos propres frères (d’après « Iguérot Réiya », « Iguéret » 316).

Si le Rav Kook avait vu comment nous les avons pourchassés, les avons expulsés de Goush Katif, et avons détruit une région de notre pays et des familles entières, comment des « amants d’Israël » ont aussi pris part à ces actes, comment on traite avec ceux qui, sans relâche, travaillent à nous assassiner, il aurait tremblé de tout son être, tout comme le fait l’Immanence divine.