N° 576 Paracha « Vaet’hanan » – 11 av 5766 – –ב« ה
RAV DOV BIGON
CECI ETANT
CONSOLEZ, CONSOLEZ MON PEUPLE –
CAR LA PAROLE DE L’ETERNEL DEMEURE A JAMAIS
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)
Au Chapitre XL, le prophète Isaïe console les autres prophètes et les Sages de chaque génération en ces termes : « Consolez, consolez Mon peuple », dit votre Dieu. « Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son temps d’épreuve est fini, que son crime est expié, qu’elle a reçu la Main de l’Eternel, double peine pour toutes ses fautes » (Is. Xl, 12). La « consolation » étant (comme le dit explicitement la fin du verset), que notre peuple a enfin expié ses fautes, le temps prescrit à cette fin étant achevé. Désormais, après tous nos exils, nous pouvons recouvrer notre terre, l’un des derniers stades de la Délivrance, comme le déclarait le grand prophète : « Monte sur une montagne élevée, porteuse de bonne nouvelle, pour Sion, élève ta voix avec force, messagère de Jérusalem ! Elève-la sans crainte, annonce aux villes de Judée : « Voici votre Dieu ! » (Ibid 9). Les nations qui viendront alors nous faire la guerre Pleureront comme des goutes tombant du seau, comme des grains de poussière dans la balance, Dieu les ballottera comme des atomes (d’après ibid. 15). « Le Liban » menace-t-il, « ne suffirait pas à nourrir le feu (de Son autel) ; ses bêtes ne suffiraient pas à un holocauste » (ibid. 16). Quant à celui dont la foi chancelle, Isaïe l’invective ainsi : Pourquoi dis-tu, Jacob, t’écries-tu ô Israël ! « Ma voix est inconnue l’Eternel, mon droit échappe à mon Dieu ? » – Ne le sais-tu donc pas ? Ne l’as-tu pas ouï dire ? L’Eternel est le Dieu de l’éternité, le Créateur des dernières limites du monde. Il n’éprouve ni fatigue ni lassitude, il n’est point de bornes à son intelligence ! » (27-28).
Ceci étant – Actuellement, nous assistons à la réalisation de ces prophéties, après deux mille ans d’exil et de souffrances, avec leur paroxysme, l’indescriptible holocauste. A présent nous revivons sur notre terre ancestrale et les Juifs venus de toutes les parties du monde entier s’y rassemblent à nouveau, comme l’a annoncé le prophète : « Tel un berger menant paître son troupeau, recueille les agneaux dans ses bras, les porte dans son sein et conduit avec douceur les mères qui allaitent » (11). Sous nos yeux, de façon on ne peut plus tangible, nous voyons notre terre se développer à pas- de -géants. Nous construisons des voies ferrées, des routes, aplanissons le sol, fertilisons le désert, matérialisant la grande prophétie : « Une voix proclame dans le désert : « Déblayez la route de l’Eternel, nivelez dans la campagne aride, une chaussée pour notre Dieu. Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et colline s’abaissent, que les pentes se changent en plaines, les crêtes escarpées en vallons ! » (3-4).
Mais les peuples qui ne veulent pas reconnaître notre renaissance nationale finiront par péricliter (cf. Rachi sur ibid. 7). « Car la Parole de notre Dieu subsiste à jamais » (8).
Dans l’attente de la Délivrance pleine et entière.
RAV SHLOMO AVINER
N’HUMILIEZ PERSONNE
N’humiliez personne. Ce n’est pas une expression de zèle religieux mais un commandement de la Thora : « Vous ne vous léserez pas l’un l’autre. Tu craindras ton Dieu » (Lev. XXV, 17), « entendu par-là, ne pas porter préjudice à autrui » (Traité « Baba Métsia » 58 b). L’interdiction est aussi grave que celles qui concernent les lois relatives au Shabbat, à l’alimentation, à la famille ou à Eretz Israël. « S’il est « baal téchouva » (revenu au Judaïsme), ne lui dites pas : « Souviens-toi de ton comportement d’avant » (ibid.), c’est du passé. Ne lui faites pas du tort, s’opposer aux propositions de mariage qu’on veut lui faire, par exemple. « S’il descend d’un non Juif, ne lui dites pas : « Souviens-toi du comportement de tes ancêtres. Et s’il veut étudier la Thora,… » (Ibid.). Désormais, il est juif à part entière.
Un passage de la « Amida » (prière silencieuse dite debout) établit l’ordre préférentiel : « Les justes, les pieux… les Sages de Ton peuple… les scribes, les convertis (au Judaïsme) » et, seulement après, « nous », simples Juifs. « Si untel endure des souffrances, des maladies ou que meurent ses enfants, n’imitez pas les amis de Job qui lui disaient : « Ta piété n’est-elle pas pour te donner confiance ? L’intégrité de ta conduite n’est-elle pas ton espoir ? Songes-y donc. Est-il un innocent qui ait succombé ? Où est-il arrivé que des justes aient péri ? » (Ibid. sur Job IV, 6-7). Vous n’êtes pas inspiré par l’esprit prophétique et n’êtes pas non plus dans les secrets de Dieu. Ne cherchez donc pas à donner des interprétations aux malheurs d’autrui, surtout lorsque vous savez qu’il y a « des justes qui sont dans le malheur » (Traité « Bérakhot » 7). Non seulement il souffre mais vous lui « donnez le coup de pied de l’âne » au lieu de le réconforter ! « Si des commerçants vous demandent si vous avez (à vendre) des produits de la terre, ne leur répondez pas (pour vous débarrasser d’eux) : « Allez chez untel, il en vend », quand vous savez pertinemment qu’il n’en est rien » (ibid.). Sur cela, on ne plaisante pas. Nous ne sommes pas contre les plaisanteries, mais à petite dose, dans l’esprit de la Thora (d’après Rabbi Tsadok Hacohen de Lublin, « Tsidkat Hatsadik) et pas sur le compte d’autrui.
A fortiori, vous ne sauriez humilier votre épouse. « On doit toujours veiller à ne pas léser sa femme. Comme elle est encline à pleurer, elle est très facilement humiliée » (ibid. 59 a). D’ordinaire, on explique ainsi l’enseignement : émotive, elle se vexe rapidement. Le « Maharal » de Prague l’explique différemment : elle ne se vexe pas si quelqu’un d’autre l’humilie car elle n’attend rien de lui ; en revanche, elle le sera par son mari en qui elle met toute sa confiance. Agir de la sorte équivaut à la trahir. L’interdiction d’humilier vaut aussi bien pour la femme à l’égard de son mari.
N’humiliez pas non plus les enfants. Vous êtes leur univers qui pourrait bien s’effondrer par votre manque de tact. Et si, parfois, vous échouez –vous n’êtes qu’un homme- réparez immédiatement les dommages en leur disant que vous les aimez très fort, afin ne jamais perdre contact avec eux, ne serait-ce qu’un instant.
N’humiliez pas vos parents même si, parfois, ils vous mettent à bout, pour ne pas enfreindre un commandement de la Thora de « respecter sa mère et son père » (Lev. XIV, 3 ; passim). « Jusqu’à quel point les respecter ? – Untel, magnifiquement habillé, enseigne en public. Survient son père ou sa mère qui déchire ses vêtements, le frappe à la tête et lui crache au visage. Il ne lui fera pas d’affront mais gardera le silence, plein de crainte envers le Roi des rois qui lui a ordonné de se comporter ainsi » (Maïmonide, « Hilkhot Mamrim », 6, §7). Signalons en passant que vous aussi les avez bien souvent mis à bout durant toute votre enfance. Ne méritent-ils pas votre respect ?
N’humiliez pas vos élèves, même si vous voulez garder vos distances. N’humiliez pas, non plus, vos maîtres ni, à plus forte raison, vos « ravs » (rabbins) ou ceux qui ne font pas partie de « votre camp » car, eux aussi, défendent celui de l’Immanence (le Domaine du Divin). En humiliant un érudit en Thora, on s’acquiert le statut « d’athée », qui n’a pas part au monde futur (Traité « Sanhédrin » 92). Loin de sauver la Thora ou votre génération, vous oeuvrez à leur perte ; un peu –pour reprendre une parabole de nos Sages- comme un tas de pierres qui tient par inertie. Retirer l’une d’entre elles c’est détruire l’édifice (Talmud de Jérusalem, Traité « Sanhédrin » 10 a). Mépriser un Sage de la Thora c’est « jeter la Thora dans le domaine public » et remettre en question son contenu.
Ceux qu’on ne doit pas humilier sont si nombreux que le mieux est encore de se taire, comportement qui fait appel au sacrifice de soi. « Mieux vaut se jeter dans une fournaise que de faire rougir son prochain en public » (Traité « Baba Métsia » 59 a). Certains estiment qu’on doit prendre l’enseignement à la lettre, se laisser tuer plutôt que d’enfreindre l’interdiction (« Tossaphot » sur Traité « Sota » 10, passage qui commence par le mot « נח« ( ; d’autres, qu’il s’agit d’une exagération (« Méïri »), pour mettre en relief la gravité de l’interdiction. Partant, « parle toujours calmement avec qui que ce soit, en toute circonstance » (Lettre de Na’hmanide).