N° 564 Paracha « Emor » – 15 yar 5766 – ב« ה.
(L’article du Rav Bigon ne nous est pas parvenu à temps)
RAV SHLOMO AVINER
« QUE LE PAYS NE SOIT PAS ENVAHI PAR LA PERVERSION«
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)
Question – Un professeur aurait dit que le Judaïsme autorise le concubinage à condition que la femme aille au « mikvé » (se purifier dans le bain rituel). Par là serait résolu le problème des célibataires –hommes et femmes- qui n’ont pas d’autres moyens de satisfaire leurs besoins. Les rabbins, affirme-t-il encore, cacheraient cette autorisation.
Réponse – D’abord, les rabbins n’ont rien à cacher et les livres sont à la disposition de tous. Dans la Bible, les jeunes enfants apprennent que les rois pouvaient avoir des concubines. Ils étudient aussi le passage dit de « la Concubine dans la Vallée » (cf. Jug. XIX), pratique interdite mais, à cette époque, chacun faisait ce que bon lui semblait (cf. jug. XVII, 6) et avait parfois une concubine bien que cela fût interdit (Responsa de Rabbi Abraham fils de Maïmonide, §201).
Si, comme le prétend l’éminent professeur, les rabbins l’avaient caché, comment l’aurait-il su ? Assurément, certaines situations imposent le secret, suivant le principe : « La Gloire de l’Eternel, c’est de s’entourer de mystère » (Prov. XXV, 2). Mais, semble-t-il, notre professeur pensait avoir découvert l’Amérique. Non, répétons-le, tout le monde peut consulter les livres, ceux de Maïmonide, le « Choul’hane ‘Aroukh » et leurs commentaires, etc.
Lorsqu’on approfondit la question, on apprend qu’elle a été sujette à controverses et que, finalement, les Sages se sont opposés au concubinage, se fondant sur le verset qui interdit à l’homme et à la femme de se prostituer (cf. Deut. XXIII, 18. Pour le Judaïsme, ce verbe n’a pas forcément une connotation vénale).
Certes, Rabbi Jacob Hendel soutient l’opinion inverse (« Shout Shéélat Yaavets » b 15), mais il est pratiquement le seul à être de cet avis. D’ailleurs, il y émet de sérieuses réserves : que presque tous les Décisionnaires s’y opposent, qu’elle n’est pas en usage dans notre peuple, et qu’on doit l’interdire lorsqu’elle risque d’entraîner des déboires. Ils sont évidents et nul n’est besoin de les mentionner ici.
Ces considérations –faites il y a deux cents ans- restent valables aujourd’hui. Assurément, certaines situations très particulières peuvent la légitimer, si, par exemple, l’épouse d’un tel a disparu depuis longtemps suite à un long voyage, de sorte qu’il n’est pas possible de lui donner le divorce, ou autres cas rarissimes de ce genre.
Nombreux sont les non religieux qui vivent dans la licence. Les religieux voudraient-ils à présent suivre leurs traces et, sous couvert de Thora, accroître l’impureté ?! Au contraire, plus on se voue à l’Etude, plus on devrait chercher à être pur. Désormais, tout religieux pourrait –à Dieu ne plaise- être libertin et dire : « Voici ma concubine !? » Enfreignant, comme l’écrit le « Maharshal » le verset : « le pays ne sera pas envahi par la perversion » (Lev. XIV, 19).
Et que dire du respect dû aux jeunes filles juives auxquelles attente cette répugnante suggestion !? Laquelle d’entre elles accepterait le titre peu honorifique de « piléguesh » (« concubine » ; racine à laquelle nos Sages ont donné le sens de « demi-femme », « péleg-isha ») ? Après un mariage de deuxième catégorie, elle resterait constamment dans cet état dégradant, portant en elle cette terrible blessure psychique, reléguée au second plan ?
D’aucuns argueraient que les célibataires –hommes et femmes- ont un mauvais penchant. Dieu en a décidé ainsi. Néanmoins, Il nous a enseigné : « Mes enfants, J’ai créé le mauvais penchant mais J’ai aussi créé son remède, la Thora » (Traité « Kidouchïn » 30 a). L’Eternel a voulu que nous fondions notre famille dans la sainteté, d’où le nom de « Kidoushïn » (racine qui renvoie à la double idée de « séparer d’un tout » et de « relier au Divin »), donnée à la cérémonie nuptiale suivant notre vocation de « royaume de prêtres et (de) peuple saint » (Ex. XIX, 6).