N° 558 Paracha « Vaïkra » – 3 nissan 5766 – ב »ה
RAV DOV BIGON
CECI ETANT
« JE LES REUNIRAI DANS LEUR PAYS »
ET NON PAS
« JE LES DISPERSERAI HORS DE LUI »
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi)
La situation actuelle rappelle celle qui prévalait lors de la Faute des Explorateurs au désert après la sortie d’Egypte.
S’affichant « réalistes », les Explorateurs prétendaient qu’Eretz Israël dévorait ses habitants et qu’on ne pouvait pas la conquérir, arguments qui entraînèrent le désespoir, la perte de confiance et une crise spirituelle au sein de notre peuple qui voulut retourner en Egypte. « Pourquoi Dieu nous conduit-Il dans ce pays-là pour y périr par l’épée ? Nos femmes et nos enfants seront captifs. Mieux vaut pour nous retourner en Egypte (Nom. XIV, 3).
En revanche, inspirés par la foi en l’Eternel, deux d’entre eux, Josué et Calev, tinrent un tout autre langage. L’Eternel, arguaient-ils, est notre garant, cette terre, spécifique, est faite pour notre peuple, spécifique. « Ils dirent à toute la communauté israélite : « Le pays que nous avons parcouru au cours de notre exploration est une terre excellente. Si Dieu est satisfait de nous et nous y conduit, Il peut nous le livrer, pays ruisselant de lait et de miel. Mais ne vous révoltez pas contre Lui, ils ont perdu leur protection et deviendront notre proie, Dieu est avec nous, ne craignez rien » (ibid. XIV, 7-9).
Comme on le sait, les Explorateurs et leur génération qui, par manque de foi, désespéraient de conquérir le pays, périrent dans le désert. Seuls, Josué, Calev et la génération suivante -qui s’était ressaisie- en prirent possession.
Actuellement, notre relation à Eretz Israël fait l’objet d’une épreuve. Notre pays doit-il vraiment être « l’état juif » ?
Certains, -qui se disent « réalistes »- ne croient plus, de fait, en l’idéal, ils sont fatigués et désespérés. Ils considèrent la possession d’Eretz Israël dans sa totalité comme une entreprise impossible, prétendant, comme nos ancêtres dans le désert, « qu’il dévore ses habitants », que nous sommes au bout du rouleau et que nous ne pouvons pas faire face à ceux qui veulent le spolier. Ainsi, ils leur donnent un état terroriste. Pour ce faire, ils mettent sur pied des « Plans de Séparation » et autres pour en brader une partie, s’imaginant que, par-là, ils résoudront tous les problèmes. Ils ne comprennent pas ce qui est évident pour un enfant, que cette forme de capitulation, bonne pour les Arabes et mauvaise pour les Juifs, est pire que la Faute des Explorateurs.
A l’instar de Josué et de Calev, nombreux sont ceux qui estiment, au contraire, que l’exercice de notre droit de propriété sur l’Israël biblique n’est pas utopique et qu’il sera positif pour nous comme pour l’humanité tout entière ; ou, pour synthétiser d’une formule lapidaire l’enseignement du Prophète : le peuple de la victoire aura la victoire (la racine hébraïque « נצח » contenant cette double idée) (cf. la prophétie d’Ézéchiel, Chapitre XXXIX, in extenso). « Je les réunirai dans leur pays » (ibid. 24) et non pas « Je les disperserai hors de lui ».
Dans l’attente de la Délivrance pleine et entière.
(Exceptionnellement, nous avons remplacé l’article du Rav Shlomo Aviner
par celui du Rav Itiël Azriël)
PARACHA « VAIKRA »
Dans la « Haftara » (passage des prophètes ou des hagiographes lu après la « Paracha » proprement dite), on lit le verset : « Et pourtant ce n’est pas Moi que tu as invoqué, Jacob ! Non, tu t’es lassé de Moi, Israël (Is. XLIII, 22 » ; cf. commentaires ad loc.)..
Fidèle à sa méthode d’exégèse, le « Maguide de Douvna » utilise une parabole pour illustrer l’idée contenue dans le verset. Dans cette « Haftara », plusieurs versets expriment l’idée de lassitude de Dieu à l’égard des sacrifices tant qu’ils ne sont pas présentés dans une intention pure et désintéressée, un peu comme ce portefaix qui aurait offert ses services à bas prix, estimant que le fardeau à porter n’était pas lourd. A la fin de la journée, il se plaint auprès du propriétaire du fardeau sous prétexte qu’il l’a induit en erreur en lui disant qu’il était léger. Et l’autre de lui rétorquer qu’il n’acceptait pas ses reproches et que, de surcroît, ce n’était pas le sien, et que le sien, était effectivement léger. C’est pourquoi, ajouta-t-il, il ne le rétribuerait pas.
Développant la parabole, le « Maguide » explique que si l’on éprouve de la lassitude envers le culte divin, c’est qu’on ne le pratique pas comme il faut. L’abîme qui sépare l’aspiration à le pratiquer avec authenticité, de la manière effective de le pratiquer, voilà la difficulté, d’où la tendance à la contourner. Par-là, on perd pied avec le contenu du culte proprement dit, car on n’applique ses efforts que sur des questions de formes, de sorte que l’on oublie la dimension spirituelle de celui-ci, avec, pour conséquences, des erreurs d’appréciation dans la manière de le rendre, cercle vicieux qu’on ne brise pas sans peine.
L’inadéquation entre l’aliénation et le désespoir de ne jamais pouvoir atteindre l’exigence d’authenticité dans la motivation, d’une part, et, de l’autre, la motivation effective, incite à offrir des sacrifices toujours plus substantiels. En réalité, cette tendance exprime l’érosion de l’ardeur à offrir le sacrifice.
Ce n’est donc pas pour rien qu’à maintes reprises la Thora précise que l’essentiel ne réside pas dans la quantité mais dans la qualité. C’est pourquoi elle présente un éventail d’offrandes et de sacrifices, des plus grands aux plus modestes, pour enseigner que « peu importe que l’on apporte beaucoup ou peu, pourvu que l’intention soit désintéressée ». (« Traité « Bérakhot, 5 b).
Entre autres, on retrouve cette idée dans le commandement de « saler le sacrifice ». : « Tu devras saler chaque offrande » (Lev. II, 13). Le sel n’améliore le goût de la viande que si on le dose convenablement ; si on en abuse, on la rend immangeable, comme l’explique aussi Rabbi Ba’hié (ad loc.). Le sel, dit-il en substance, a le double pouvoir de conserver et de détruire, propriété qui s’exprime dans les aliments comme dans un sol fertile, par exemple, qui, par sa présence exagérée, tombe en état de désolation. Pour poursuivre la parabole : à l’instar d’un plat, si le commandement de saler le sacrifice est l’essentiel et le sel, l’accessoire, il a sa pleine signification ; mais si cet ingrédient est devenu l’essentiel, le commandement s’est dégradé.
Ainsi, le culte authentique rendu à l’Eternel réside dans l’équilibre entre la valeur accordée au commandement comme tel, et aux accessoires nécessaires à son accomplissement. « Sentez et voyez que l’Eternel est Bon, heureux l’homme qui s’abrite en Lui ».
Puissions-nous, au plus vite, ressentir le goût de la liberté authentique en mangeant accoudés (sur la signification de cet acte, cf. les commentaires sur la « Hagada » de Pessa’h).
Shiur Video
Rabbi Feuillet hebdomadaire
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