Shiur Video

Rabbi Feuillet hebdomadaire
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Paracha « Vaéra »

RAV DOV BIGON

CECI ETANT

PATIENCE ET NON IMPATIENCE

Lorsque Moïse, amant et sauveur d’Israël, voit comment Pharaon asservit notre peuple, il demande à Dieu la raison. « Pourquoi maltraites-Tu Ton peuple ? Pourquoi m’as-Tu envoyé ? Depuis que je me suis présenté à Pharaon pour parler en Ton Nom, la situation de ce peuple a empiré » (Ex. V, 22-23). Dieu répond durement à cette expression de perplexité. « Dieu parla à Moïse en ces termes : « Je suis l’Eternel » (ibid. ibid. 6) (suivant une règle d’exégèse biblique, « parla » –par opposition à « dit »- exprime la dureté du langage). Puis Il explique au grand prophète le sens de sa mission, concrétiser l’Alliance qu’Il a contractée avec les Patriarches, donner le pays de Canaan à leurs descendants. Moïse –lui explique-t-Il encore- devait suivre leur exemple. Ils n’ont jamais remis en question Sa parole bien qu’ils n’eussent pas vu la réalisation des promesses. Le processus de la Sortie d’Egypte doit être progressif et passer par des crises temporaires, quitte à ce qu’elles soient interprétées comme des régressions. Dans le Kouzari, Rabbi Yéhouda Halévi développe une idée similaire. Les Patriarches avaient une foi inébranlable qu’ils ne laissaient pas s’émousser par les vicissitudes de la vie (« Kouzari II, 2).

Après ces critiques, l’Eternel confie à Moïse la mission de dévoiler à notre peuple, au plus profond de l’esclavage, les différentes phases de la Délivrance, dans le but de le réconforter et d’élever son moral. « Je vous sortirai… Je vous sauverai… Je vous affranchirai… Je vous prendrai ». Et, enfin, « Je vous donnerai le pays » (ibid. 6-8). Mais « ils n’écoutèrent pas (au sens de « comprendre ») Moïse, par impatience et par le terrible esclavage » (ibid. ibid. 9), déclinant ces paroles de réconfort (d’après Rachi sur op. cit.).

Ceci étant – Comme ci-dessus mentionné, la Sortie d’Egypte est passée par des crises que Moïse a aussi vécues comme telles. Toutes les générations y ont été confrontées. Destruction du premier Temple, exil terrible de deux millénaire etc., la nôtre ne faisant pas exception. Malgré tout, nous n’avons jamais succombé au désespoir, nous inspirant des qualités d’âme des Patriarches qui, même dans les situations les plus difficiles, croyaient inconditionnellement dans la Délivrance d’Israël et de l’humanité. Certes, actuellement, la crise que nous traversons est terrible, l’expulsion de Juifs de leur propre pays et, qui plus est, par des Juifs, devenant des réfugiés privés de toute source de subsistance.

Mais, à l’instar de celui qui, pour prendre de l’élan, recule pour franchir l’obstacle, ainsi nous semblons régresser temporairement pour puiser les forces nécessaires au passage à la nouvelle phase de la Délivrance. Pour cela, c’est de la patience qu’il nous faut et pas du défaut inverse, empruntant le chemin sinueux qui mène à la Délivrance pleine et entière.


RAV SHLOMO AVINER

N’OUBLIONS PAS L’ESSENTIEL

Assurément, arguera-t-on, mais, dans la Thora, tout est essentiel et divin. – oui, mais, lorsqu’un bateau fait naufrage, c’est le plus important qu’on sauve d’abord ; et lorsqu’une personne est gravement malade, ce sont les organes vitaux que soignent d’abord les médecins.

Dans son article « Haïkarim » (« Maamaré Hariya », page 14), le Rav Kook expliquait en substance que nos Maîtres les plus éminents ont établi des principes, approche tout aussi valable à notre époque, charnière, faite de bouleversements en tous genres. Conséquemment, on doit « aller à l’essentiel » (mot à mot, « au « aleph », première lettre de l’alphabet hébreu).

Le Rav Tzvi Yéhouda expliquait qu’il y a deux « alephs », celui de la foi (aleph-émouna ») et celui de l’amour (« aleph-ahaava »).

La foi – Fondement de toute chose, elle consiste à avoir constamment à l’esprit que c’est l’Eternel qui dirige le monde. Certes, nous sommes en période de crises, « événement qui s’oppose à notre volonté », pour citer la définition psychologique de ce mot. Elles ne manquent pas, on le sait. Mais on ne doit pas considérer la réalité sous l’œil des médias et du sensationnel, mais sous l’œil de la foi, en contemplant le chemin déjà accompli depuis un siècle : la résurrection nationale, le renouveau de notre Terre, le retour de millions de Juifs et la réapparition de « la Thora (qui) revient chez son propriétaire », pour citer l’expression de nos Sages (passim).

Loin d’être fortuit, ce processus historique est dirigé par la Providence, même à nos yeux, il paraît complexe, douloureux, semé de crises et de défaillances. Pourtant, « ils voient de leurs propres yeux l’Eternel entrer dans Sion » (Is.XLII, 8), pourvu qu’on soit à l’unisson avec « l’œil de Dieu », par la foi et la crainte envers Lui. « Les yeux de l’Eternel sont ouverts sur celui qui Le craint » (Ps. XXXIII, 18). Alors, on discerne Son « retour à Sion » (ibid. CXXVI, 1).

Ainsi, même dans l’adversité, nous devons nous souvenir que l’Eternel est l’artisan de notre résurrection et du retour, à Sion, de Son Immanence (le plus bas degré de Son Dévoilement ; d’après « Amida »).

Voyons tous ces événements dans leurs proportions et leurs perspectives véritables. Le mal comme le bien émanent de Dieu. Celui-là passe, celui-ci demeure, car le bien, seul, participe de l’éternité.

Parfois, on est désespéré de voir tant d’efforts s’évanouir en fumée. Néanmoins, on ne saurait succomber sous les affronts de la réalité ni laisser libre court aux insultes et aux accusations. Qui, plus que le roi David, en a pâti ? Pourtant, elles n’ont pas entamé sa foi.

Prenant pour exemple ce roi prestigieux, le « Séfer Ha’hinoukh » (« Mitsva » 241) explique en substance qu’on doit comprendre que tout émane de Sa Volonté, même les comportements hostiles d’autrui, et que tout ce qu’on vit comme pénible a pour but l’expiation des fautes, comme l’a identifié David : « Laissez-le prodiguer l’injure si Dieu le lui a dit » (Sam. II, XVI, 11), l’attribuant à ses propres fautes et non pas à celui qui l’avait prodiguée.

L’amour – Le deuxième principe. Par là, nous ne voulons pas dire que le mal qui nous arrive est le résultat de nos fautes, mais que nous ne devons pas nous montrer rancuniers car l’amour précède et fonde la Thora.

Les 24 000 disciples de Rabbi Akiva sont morts entre « Pessa’h » et « Shavouot », période de préparation au Don de la Thora, car ils ne se respectaient pas les uns les autres. Alors, le grand Maître a enseigné : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, c’est un grand principe de la Thora » (« Midrash » passim).

Si ce principe fait défaut, c’est l’édifice de la Thora qui n’est pas droit. Par « tu aimeras ton prochain comme toi-même », on accède à « tu craindras l’Eternel » (Lev. XIV, 18).

Assurément, nous devons faire face à l’une des épreuves les plus difficiles, aimer ceux qui, parmi nous, travaillent à détruire la Thora et le pays. Nous ne savons pas ce qu’il en sera et continuerons à combattre, mais sans avoir de mauvaises pensées et sans proférer d’insultes contre des hommes politiques, des soldats, des policiers, des Juifs qui profanent le Shabbat, ne mangent pas « kacher », trompent leur femme ou qui ont des opinions différentes des nôtres.

C’est en intensifiant la lumière que s’opérera la Délivrance. C’est pourquoi, explique le Ari, le « sage » et le « pervers » de la « Hagada » figurent côte à côte, pour permettre à ce dernier de se réhabiliter à la lumière du « sage ». N’empoisonnons pas l’atmosphère et multiplions les témoignages d’amour.

Nous croyons au caractère d’éternité d’Israël, contrairement au Christianisme qui, après avoir échoué, a décrété que, comme peuple, nous étions dans une impasse et –à Dieu ne plaise- que nous avions perdu notre spécificité.

Aux souffrances que nous endurons, il y a un remède : intensifier la foi et l’amour. Ainsi, avant la Prière du Matin, on proclame cet amour, ce que le Ari a érigé en loi rabbinique : « Avant de prier, nous devons prendre sur nous d’aimer notre prochain comme nous-mêmes » et avoir à l’esprit l’obligation d’aimer chaque membre d’Israël comme notre propre personne ; car, ici-bas, les dissensions ont des incidences négatives sur l’harmonie des mondes supérieurs. Inversement, lorsque ici bas nous sommes unis, nous voyons notre prière être agréée (« Kitsour Choul’hane Aroukh » 12, §2).

(« Les membres d’) Israël sont en état d’interdépendance » (passim), principe, lui aussi, de première importance, qui vaut aussi pour les âmes, comme l’enseigne le « Ramak » dans son « Tomekh Dévora », le mot « ערב » (en état d’interdépendance) contenant également l’idée « d’affabilité, de sympathie, avec toute la force du préfix « sym »).

De même, le soir, avant de nous endormir, nous attestons devant Dieu de ce que nous excusons tous ceux qui ont fauté contre nous (« Kiriat Shéma al Hamita »), effort assurément bien difficile auquel, d’ailleurs, nous ne sommes pas astreints ; néanmoins, si nous le faisons, nous éprouvons un sentiment immense de pureté.

L’un des combats les plus difficiles est de conserver lucidité, sensibilité, foi et amour, seule manière d’arriver à bon port. Souvenons-nous que l’élite religieuse ne sera pas la seule à bénéficier de la Délivrance car elle concerne le peuple tout entier, à tous ses nivaux. C’est pourquoi, envers et contre tous, nous devons nous fondre en lui, inspirés par la foi, l’amour et l’élévation d’esprit, en serviteurs de l’Eternel que nous sommes.

(Traduit et adapté par Maïmon Retbi, spécialisé dans les sujets kodech, hébreu/français)