N° 541 Paracha « Toldot » – 2 kislev 5766 – ב »ה
RAV DOV BIGON
CECI ETANT
LE « HEURT » ENTRE JACOB ET ESAÜ
UNE PERMANENCE DE NOTRE HISTOIRE
La Thora rapporte ainsi la jeunesse de Jacob et d’Esaü : « Les enfants grandirent. Esaü devint un trappeur habile, un homme des champs. Jacob était un homme érudit qui demeurait sous les tentes » (Gen. XXV, 27). « Petits, explique Rachi, leurs actes n’étaient pas encore appréciables. Mais à treize ans, Jacob est allé étudier en yéchiva (académie religieuse ; il y en avait déjà à cette époque), et Esaü s’est mis à se livrer à l’idolâtrie. « Trappeur habile, un homme des champs », il trompait les gens et les prenait au piège de son verbe. Oisif, il décochait ses flèches sur le gibier et les oiseaux. Jacob, en revanche, « intègre, demeurait sous les tentes », dans les salles d’étude (cf. Rachi ad loc.). Rivca, enceinte, pressentait déjà leur différence essentielle. « Les enfants se heurtaient en son sein » (ibid. XXVIII, 24). Lorsqu’elle passait devant les salles d’étude de Chem et Ever, Jacob s’efforcer de naître ; devant les hauts lieux de l’idolâtrie, Esaü s’efforçait pareillement. Dès leur naissance, ils se distinguaient foncièrement. « Roux, aussi velu qu’une pelisse », Esaü montrait déjà qu’il serait sanguinaire. Jacob, en revanche, avait « La peau lisse » (ibid. XXVII, 11) (prélude à un homme quintessencié).
Pourtant, sur le point de mourir, Isaac voulait, semble-t-il, bénir Esaü car il voyait en lui un homme d’action, à l’aise dans ce bas monde, à même d’incarner la Thora sous ses deux modalités, terrestre et céleste, étant « l’aîné » (jusqu’à la Faute du Veau d’Or, l’aîné était le responsable des relations entre Dieu et l’homme). Rivca, en revanche, juste, sage et rusée, aussi (fille et sœur de fourbes,) sut identifier que Jacob devait recevoir la bénédiction et « l’aînesse » –avec toutes leurs implications-, compréhension qu’Isaac reprit ensuite à son compte : « La bénédiction restera sienne. » (ibid. XXVII, 34). Et Rachi d’expliquer que, par son acquiescement, Isaac voulait empêcher qu’on prétende qu’il avait été abusé. Au contraire, il tenait à ce que la bénédiction et l’aînesse passent par Jacob (cf. Rachi ad loc.).
Ceci étant : Le « heurt » entre Esaü et Jacob reste d’actualité. A la veille des élections, les deux conceptions antagonistes continuent de se heurter au sein de la société israélienne. Celle d’Esaü prône la jouissance de l’instant, la quête de la matérialité et d’une paix chimérique. En échange d’une partie de notre Terre chérie, on recevrait la promesse de garanties internationales, métamorphose politique du plat de lentilles, mais dans une connotation inversée. La transaction s’opérerait au méprit de nos valeurs sacro saintes, morales et sionistes, et de notre vocation « d’aîné », hériter Eretz Israël dans sa totalité.
En revanche, la conception de Jacob prône l’intégrité, la Thora, la fidélité aux valeurs authentiques, le refus de se laisser corrompre (matériellement ou spirituellement), même si, comme lui, on demeure chez Laban le fourbe, la mise en exergue de l’amour et de la foi, des valeurs et des idéaux, de la prise en charge de ses responsabilités et du sacrifice de soi, autant de valeurs qui transcendent de loin le matérialisme.
Il n’est pas la seule chose au monde. On doit extérioriser son âme foncièrement bonne, et tourner ses regards vers l’avenir du peuple juif qui renaît à présent à la vie sur sa Terre, pour son bien comme pour celui de l’humanité tout entière.
Aux prochaines élections, ce « heurt » deviendra particulièrement manifeste. Formulons l’espoir que, dans sa majorité, par son vote, le peuple saura se montrer le digne héritier spirituel de Jacob. Ainsi, nous édifierons un état fondé sur les valeurs la morale, l’amour, la foi et la sécurité.
Dans l’attente de la Délivrance pleine et entière.
RAV SHLOMO AVINER
UNE « ATTESTATION DU NOM DE DIEU » D’UN NOUVEAU GENRE
La Cabala établit une distinction entre « prélever les étincelles de sainteté » et « attester de l’unité du Nom de Dieu », considérations qui nous sont encore étrangères. Néanmoins, nous savons que « prélever les étincelles de sainteté » participe du bien et du mal et « qu’attester de l’unité du Nom de Dieu » participe de la compréhension des Mondes supérieurs et de leur influence sur le nôtre. Bien entendu, ces deux expressions de la concentration de la pensée ont le même objet, la mise en pratique de la Thora, mais celle-ci est supérieure à celle-là.
Au niveau simple de compréhension, il y a déjà des degrés : accomplir les commandements comme tels ; parce qu’on y est astreint ; les accomplir « au Nom de l’Eternel » ; appliquer ceux qui ont trait aux relations interpersonnelles, transcendantales etc. (cf. « Sentier de Rectitude », Chapitre XIV fin). Quoi qu’il en soit, « l’attestation de l’unité du Nom de Dieu » (sous ses multiples formes) relève de la Cabala.
Ces derniers temps, une attestation, d’un nouveau genre, de cette unité a vu le jour ; ou, pour mieux dire, une métamorphose de cette attestation. Elle se formule ainsi : « Au nom de l’unité du Saint béni soit-Il et d’Israël » (cf. Rav Hillel Tseitlin, « Sifram shel Yé’hidim », page 11), forme renouvelée du « au Nom du Saint béni soit-Il et de l’Immanence » qui figure dans les rituels des prières.
L’immanence divine est la lumière divine qui réside au sein de la « Knesset Israël » (l’Ame collective céleste d’Israël) ; « la Lumière de l’Immanence c’est la Knesset Israël » (« Orot Israël » I, 4).
Comme ci-dessus mentionné, cette forme supérieure de la concentration de la pensée dans la manière de pratiquer le culte divin est d’ordre individuel ; néanmoins, elle est bénéfique pour le collectif tout entier. C’est pourquoi elle requiert un redoublement d’efforts, de minutie, de pureté et de sainteté dans l’étude et la pratique de la Thora. Ainsi, avant d’entrer en en guerre, le roi David travaillait sur ses qualités morales pour les améliorer jusqu’à la limite du possible (cf. « Sentier de Rectitude, X, fin) car pour s’élever davantage encore dans l’exercice du culte divin, il devait tout d’abord consolider ses acquis au maximum.
A notre époque, on reprend pieds avec la dimension collective, vécue au premier Temple, perdu au second au détriment de la dimension individuelle, et, à présent, récupérée peu à peu à la proche du troisième, ou, pour synthétiser la dialectique de ces deux dimensions : collectif, particulier, collectif (cf. processus des idées dans « Orot »).
Actuellement, c’est un fait, la dimension individuelle –avec tous ses avatars- n’est pas encore résorbée ; à preuve, notre adhésion au collectif est le plus souvent conditionnelle. D’ailleurs, au cours de notre histoire, ceux– -éminemment pieux- qui se sont séparés du collectif sous prétexte qu’il ne correspondait pas à l’idéal religieux, sont souvent devenus les premiers fondateurs du Christianisme, avec tout ce que cela implique. Souvent aussi, ils retranchaient systématiquement de la nation tous ceux qui ne suivaient pas scrupuleusement la Loi (cf. l’Introduction du « Natsiv » à son Commentaire sur la Thora), comportement qui, en premier lieu, a engendré la haine gratuite et la destruction du second Temple.
On connaît bien l’événement de « Camsa et Bar Camsa ». Suite à une confusion dans les noms, un convive indésirable fut honteusement expulsé d’un banquet sans que les sages qui y siégeaient ne réprimandent le maître de maison. Celui-ci, explique Rabbi Shmouel Maltsan, disciple du Gaon de Vilna, n’avait apparemment pas fauté puisque « les sages ne l’avaient pas réprimandé », chacun, de par la Thora pouvant faire chez lui ce que bon lui semble (pourvu qu’il reste dans les limites du permis). Or un enseignement de la Guémara explique que Jérusalem n’a été détruite que par l’événement en question, signe qu’à l’époque, on ramenait tout à la stricte manière de juger de la Thora (Traité « Baba Métsia 30 b). Comment, dès lors, un autre enseignement du Talmud peut-il affirmer que Jérusalem a été détruite par la haine gratuite (Traité de la Guémara « Yoma » 9 b) ?!
La contradiction apparente se résout ainsi : c’est parce qu’il y avait haine gratuite « qu’on ramenait tout » à l’intransigeance légale (Cf. Annotation sur « Emouna et Hachga’ha » §15). Si on étudie la Thora sans prendre en compte le peuple d’Israël, on risque d’entraîner une catastrophe. En revanche, si l’on part du peuple d’Israël comme tel –avec ses défauts et ses qualités, choisi par Dieu et aimé de Lui, ainsi qu’on le témoigne inlassablement- pour atteindre la Thora, stade auquel on a déjà accédé, alors, uniquement par cette démarche, on pourra mettre en pratique le premier verset du « Chéma », * l’attestation la plus sublime de la proclamation de l’unité du Nom de Dieu (cf. « Olat Réiya » ad loc. ; « Orot Haté’hiya » 2a).
* Note du traducteur. Dans ce contexte, nous proposons une traduction exégétique du verset : « Ecoute (dans le sens de « comprends »), Israël, l’Eternel (dans son infinité d’Etre), notre Dieu (national), l’Eternel -(sous ses deux noms, (« Tétragramme », « Dieu »)- est Un ».
(Traduit et adapté par Maïmon Retbi, spécialisé dans les sujets kodech, hébreu/français)
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